Ce soir, la solitude est difficile à supporter. Il n’y a que l’écriture et moi. Des mots à l’écran qui ne prennent pas dans les bras, ne passent pas la main dans les cheveux, ne murmurent pas à l’oreille. Des mots qui n’emmènent ni jouer dehors ni souper au restaurant.

La résidence d’écriture se termine dans quelques heures. Tout à l’heure, j’irai rejoindre une partie de l’équipe de la bibliothèque qui m’offre un petit dîner de clôture. Ensuite, je passerai deux heures en salle, notamment à dédicacer des exemplaires de « Poil de serpent, dent d’araignée » que j’offrirai aux bibliothèques de Longueuil, à leur personnel et aux abonnés en souvenir de mon passage dans ces lieux. Pour le moment, je suis encore chez moi. La vaisselle du petit déjeuner a été repoussée en bout de table. J’ai pu feuilleter « Le Devoir » sur écran. À présent, je sirote tranquillement mon thé, tandis qu’une brassée de lessive tourne. Devant moi, l’écran est encore ouvert. J’ouvre mon journal de résidence pour revenir un moment sur cette expérience. Soudain, cette question s’impose : écrire en bibliothèque, est-ce si différent d’écrire chez soi ? Que faut-il pour écrire ?

Je devrais avoir plus confiance en moi. S’il y a une leçon à tirer de ma formation avec Martin Mercier, cet hiver, et de mes prestations dans le cadre de la résidence d’écriture, c’est que je travaille consciencieusement et que je réussis en général ce que j’entreprends. Pourquoi, alors, des doutes surgissent-ils constamment sur ma capacité à faire les choses? Pourquoi les voix de l’inquiétude hantent-elles mon esprit ? Est-ce que je n’apprends pas, avec les années, à dompter mes craintes ? Défaut de programme, je pense… (Sourire)

La question m’a été posée dans le volet public de la résidence aujourd’hui. L’homme qui me l’a adressée est un grand lecteur. Il lit depuis toujours. Il ne pratique aucun des métiers du livre et ne travaille pas dans l’enseignement. Il ne lit pas par obligation. Simplement, il lit parce qu’il aime lire. Beaucoup. Qualité qui l’a propulsé, à sa grande surprise, dans un jury de lecteurs pour un prix littéraire important. Bien sûr, il a lu tous les romans en lice, et plutôt deux fois qu’une. Il est un peu embêté à présent, car il les aime tous. Il a bien raison de les aimer, c’est un concours sérieux et il n’y a que des romans de qualité au rendez-vous. Comment choisir ?