JOURNAL D’ÉCRITURE

Publié le 13 avril 2013

JOURNAL 2013.04.12 – Qu’est-ce qu’un bon roman ?

2013.04.12 – Qu’est-ce qu’un bon roman ?

La question m’a été posée dans le volet public de la résidence aujourd’hui. L’homme qui me l’a adressée est un grand lecteur. Il lit depuis toujours. Il ne pratique aucun des métiers du livre et ne travaille pas dans l’enseignement. Il ne lit pas par obligation. Simplement, il lit parce qu’il aime lire. Beaucoup. Qualité qui l’a propulsé, à sa grande surprise, dans un jury de lecteurs pour un prix littéraire important. Bien sûr, il a lu tous les romans en lice, et plutôt deux fois qu’une. Il est un peu embêté à présent, car il les aime tous. Il a bien raison de les aimer, c’est un concours sérieux et il n’y a que des romans de qualité au rendez-vous. Comment choisir ? En préférer un, n’est-ce pas priver les autres d’une publicité à laquelle ils ont droit ? Autant le faire pour les bonnes raisons. Alors, au-delà de la préférence subjective, selon quels critères juge-t-on un roman ? Qu’est-ce qui fait qu’un roman est réussi ? Par quelles qualités se démarque-t-il des autres ?

Nous avons discuté des diverses composantes du roman : le personnage, l’intrigue, le point de vue de narration, les thèmes, l’espace/temps… Comment les personnages sont-ils caractérisés ? Le héros est-il confronté à un conflit intéressant ? L’histoire est-elle vraisemblable ? Agréable ? Surprenante ? Dérangeante ? Bien racontée ? La progression du récit permet-elle d’approfondir les questions soulevées, de les aborder sous divers angles ? Les actions des personnages sont-elles cohérentes ? Les dialogues semblent-ils naturels ? Collent-ils aux personnages ? Les répliques varient-elles d’un personnage à l’autre ? Peut-on « entendre » chacun des personnages ? Chacun parle-t-il avec sa propre voix ? Qui raconte cette histoire ? De quel point de vue ? La voix narrative est-elle incarnée, constante, sentie ? Les questions que soulève le roman (thèmes et sous-thèmes) nous touchent-elles ? Pourquoi ? Nous amènent-elles à aborder le problème sous un angle inattendu, nouveau pour nous ? L’utilisation de l’espace et du temps fait-elle écho aux thématiques, étoffe-t-elle le récit, relance-t-elle l’action, ajoute-t-elle de la profondeur au personnage ? Le style est-il adapté à l’histoire ? La lecture est-elle aisée, coulante ? Faut-il au contraire constamment revenir en arrière, parce que le rythme a été brisé par des distorsions, des dissonances, une ponctuation malhabile, une accumulation de mots techniques, étrangers, difficiles ?

Les élans spontanés, les considérations subjectives, les coups de cœur ou les rejets inconditionnels, sont autorisés. Surtout, il ne faut pas les écarter sous prétexte qu’ils ne sont pas « objectifs ». Le roman a-t-il nourri notre réflexion ? Nous a-t-il apporté un agréable moment de détente ? Nous a-t-il remué ? A-t-il tenu ses promesses ? Nous sentons-nous plus riches de l’avoir lu ? Satisfaits ? Les personnages continuent-ils à nous habiter, une fois le livre refermé ? N’est-ce pas déjà suffisant pour affirmer que ce roman était un bon roman ? Sans doute. Mais pour affirmer que c’est le meilleur de tous ?

Ah ! ça… Le meilleur de tous, c’est peut-être celui qui nous apporte autant, pour des raisons vraisemblablement différentes, mais autant de bonheur de lecture en tout cas, qu’on l’ait lu à 20 ans et relu à 40 ou à 60. Mais pour cela, il faut donner du temps au temps. Ce qui fait en général terriblement défaut, à un jury.

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