Les ouvrages de Julian Barnes, grand format et format de poche, empilés.

Une année Julian Barnes se termine. Je vis un petit deuil, ma foi. Je dois me contenter d’espérer qu’il écrira encore, souvent et beaucoup – ou de le relire. Je crains d’être en manque. 

Je termine la lecture de ses livres traduits et encore disponibles en français, pour les plus anciens (dix-huit titres : romans, nouvelles, récits, essais) en même temps que j’appose ce que j’espère être le point final au manuscrit où je raconte mon histoire d’amour avec Pierre-Alain. Un roman que j’ai mis longtemps à écrire. Sept années (mes cycles vont souvent ainsi par groupe de sept années) où Pierre-Alain n’était pas encore tout à fait mort. Il vivait avec moi, en moi, par l’écriture. 

À présent, ça y est, je dois le laisser partir. En même temps que Barnes, dont j’ai terminé les ouvrages. Double deuil.

Après des lectures plus denses, je me suis délectée du roman à quatre mains de Jean-Claude Mourlevat et Anne-Laure Bondoux : Et je danse aussi[1]. Rien de prétentieux dans ce roman épistolaire. C’est léger, attachant, intriguant. C’est solidement construit et ça se lit d’une traite. Il m’a fait du bien, comme une limonade fraîche en pleine canicule.

À la fin des années cinquante, alors que la peur du communisme avait contaminé jusqu’à mon école primaire, je m’étais promis d’être forte et de résister à l’éventuel envahisseur rouge. Avec toute la ferveur et la naïveté de mes dix ans, et même si j’en tremblais la nuit sous les draps, je me jurais de ne céder à aucune menace, pas même sous la torture. Pourtant, moins de deux ans plus tard, je renonçais à toute religion, de mon propre chef, sans qu’il soit besoin d’utiliser la force contre moi. J’ai gardé de ce retournement la conviction que tout est relatif — et que je n’ai pas l’âme d’une martyre. Je reste cependant marquée par le déchirement poignant qui m’avait à l’époque saisie, et soulagée de n’avoir jamais été réellement exposée à ce choix aussi cruel qu’inutile.